Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

frédéric lordon - Page 4

  • Lordon, la mondialisation... et la souveraineté

    Bon.... finalement je vous mets l'une des grandes parties du texte de Lordon que j'évoque dans le billet précédent....

    Vous le lisez bien, lentement, posément.....c'est un trésor....

     

    Les surlignages, mises en gras et autre fioritures sont... de moi....

     

    La question décisive de la souveraineté Retour à la table des matières

    Les signataires objecteront qu’ils visent moins loin que le monde : l’Europe. Et on peut leur accorder en effet qu’il y a matière à réfléchir à la circonscription de la régulation « régionale », sans exclure a priori que la « région » aille au-delà de l’actuelle nation. Encore faudrait-il pour ce faire poser le problème comme il convient, c’est-à-dire en termes politiques, et plus exactement sans hésiter à prononcer le mot-clé : souveraineté – mais, après démondialisation, ce mot-là également ne va-t-il pas devenir un imprononçable, et puis logiquement, peu après, un impensable ? Il vaudrait mieux éviter, sauf à ce que, vaincue par la peur de la déchéance « nationaliste » et « souverainiste », la gauche critique se retrouve à poil et incapable de poser le moindre problème fondamental.

    C’est qu’en effet il n’est pas d’autre prémisse possible au débat mondialisation/démondialisation que celle qui tient la souveraineté d’un peuple pour le concept-clé de l’époque moderne. La modernité, au sens conceptuel du terme, dont on verra sans peine qu’il s’oppose en tout aux bouillies des usages éditorialistes de ce mot, c’est que des communautés humaines se déclarent maîtresses de leur destin – souveraines. Voilà le fait constitutif de notre horizon historique et politique, la donnée cardinale dont l’ignorance condamne irrémédiablement à l’insignifiance. Or, à l’exact inverse de tous ses amis qui répètent en boucle qu’elle est la modernité même, la mondialisation est anti-moderne précisément au sens où elle organise la dépossession des souverainetés partout où elles existent, sans leur offrir la moindre solution de re-création. La substitution insistante du terme « gouvernance » à celui de « gouvernement » est bien là pour dire le projet général de la dégouvernementalisation du monde, c’est-à-dire de sa dépolitisation. Surtout pas d’Etat – quelle qu’en soit la circonscription –, donc pas de loi, à l’extrême rigueur des règles mais minimales et sans force, et surtout, bien sûr, de l’« éthique »… C’est dans cet univers libre de toute force politique souveraine, la seule qui serait capable de les contenir, que les forces du capital veulent être seules significatives à se mouvoir.

    Il fallait donc d’abord déborder les souverainetés nationales, ces lieux ignobles de l’arraisonnement politique des excès privés du capital. Sous couleur de la Terre plate [3] et du monde enfin un, l’abattement des frontières s’en est chargé. Et en effet : quand le financement des déficits est entièrement abandonné aux investisseurs internationaux, quand ceux-ci ont entièrement barre sur les orientations fondamentales des politiques économiques (et commandent la rigueur sans fin), quand les gouvernements se targuent de réformer les retraites au nom du triple-A à maintenir, quand les entreprises peuvent exciper de l’argument aussi ignoble que bien fondé des actionnaires à satisfaire pour justifier les plans sociaux, quand la « liberté d’établissement » promue par le Traité européen autorise tous les chantages à la délocalisation sans que les gouvernements locaux ne puissent mot dire, quand les riches pratiquent l’évasion fiscale à grande échelle sans qu’on puisse les rattraper, en effet la souveraineté n’est plus qu’un souvenir puisque les peuples ne maîtrisent rigoureusement plus rien des éléments fondamentaux de leur destinée.

    L’anti-démondialisation, ou l’oubli de la souveraineté Retour à la table des matières

    Malheureusement pour les libéraux, la souveraineté attaquée dans les faits résiste dans les esprits. D’où elle ne cessera d’exiger sa reconstitution. Telle est la force de la modernité – la vraie – qui a rendu la dépossession intolérable, en tout cas au-delà d’un certain seuil. Les nécessités de la mondialisation-externalités s’ajoutent aux agressions de la mondialisation-libéralisation pour appeler (les premières authentiquement, les secondes hypocritement) à des redéploiements outre-nationaux du principe de souveraineté. Mais rien ne vient, et pour cause : la force active de la libéralisation n’a aucune intention de reconstituer ailleurs ce qu’elle a si bien réussi à dissoudre ici, et se tient fermement à son projet de grand vacuum politique mondial.

    Or le principe de souveraineté est notre invariant politique de longue période. Mais il est en crise profonde de se trouver entre deux réalisations historiques – et la crise ne tombe pas entièrement du ciel : elle a été pour partie (la partie de la mondialisation-libéralisation) délibérément organisée. La mutation territoriale du principe de souveraineté engage alors dans une transition très longue dont les tensions menacent d’être intenables. Lieu de tous les malentendus, la mondialisation est ainsi un point de rencontre paradoxal entre les hypocrites à qui « l’horizon du monde » sert à différer éternellement toute reconstitution du politique, et ceux qui croient sincèrement en la perspective d’une cosmopolitique, c’est-à-dire d’une constitution politique de l’humanité entière. A ces derniers, il faut rappeler ce mot de Keynes qu’à long terme nous serons tous mort, et qu’un projet cosmopolitique qui laisserait le principe de souveraineté en suspens tout le temps de sa transition jusqu’au glorieux avènement final de la constitution politique mondiale durera un peu trop longtemps pour les simples populations – et de ce point de vue ils devraient s’inquiéter de se retrouver bientôt au côté de Jacques Attali, inlassable promoteur du gouvernement mondial et prototype même en cette matière de l’idiot utile.

    On pourrait accorder sans difficulté aux signataires que le redéploiement outre-national de la souveraineté est un sens de l’histoire possible, souhaitable même, mais sous la double clause consistant d’une part à en reconnaître la très longue durée de réalisation, et d’autre part (surtout) à admettre que le processus doit se soumettre à l’impératif de maintenir continûment, sous une forme ou sous une autre, le principe de souveraineté, tout le temps de la transition – et si pas capable, s’abstenir  ! Les stratégies de long terme qui ignoreraient cette condition, à l’image par exemple de la fausse promesse de l’actuelle « Europe politique », sont intenables. En combinant le déni délibéré de souveraineté et l’agression sociale répétée, la mondialisation, sous l’effet de sa crise propre, a porté cet intenable à un point critique. Il va donc falloir que l’histoire accouche de quelque chose, et tout de suite ! Mais que peut-on attendre d’elle à si court terme ?

    Quoi qu’on en pense, la solution de la reconstitution nationale de souveraineté impose son évidence parce qu’elle a sur toutes les autres l’immense mérite pratique d’être là, immédiatement disponible – moyennant évidemment les transformations structurelles qui la rendent économiquement viable : protectionnisme sélectif, contrôle des capitaux, arraisonnement politique des banques, autant de choses parfaitement réalisables pourvu qu’on le veuille. Que les peuples soient tentés de faire retour, et par le chemin le plus court, aux reconstitutions de souveraineté qui sont à leur portée, il n’y a pas lieu de s’en étonner, encore moins de leur en faire la leçon. On observera tout de même au passage que, contrairement aux critiques épouvantées de la démondialisation, en cela fidèles à un topos libéral type voulant faire croire que tout retour en arrière porterait la guerre – M. Lamy n’a-t-il pas déclaré que le protectionnisme était nécessairement xénophobe et belliqueux ? et les référendums européens n’ont-ils pas systématiquement agité cette menace ? –, les années fordiennes qui, considérées depuis les normes modifiées d’aujourd’hui, ont tout de l’horreur nationaliste (concurrence ultra-restreinte, délocalisations impossibles, marchés financiers sur-encadrés), auront été étrangement paisibles… Il ne s’agit pas d’en tenir ici pour une simple reproduction passéiste d’un âge d’or perdu (et dont la dorure doit beaucoup à des enjolivements rétrospectifs), mais de dire l’inanité des prophéties apocalyptiques qui accompagnent maintenant systématiquement l’idée de ne pas s’abandonner complètement à la perspective unique du monde mondialisé.

    Cependant les signataires sont sensibles, et ils ont raison de l’être, aux mouvements de révolte des peuples européens. Voilà ce dont l’histoire pourrait aussi accoucher, et vite – car à force d’être éperonnés, même les bestiaux les plus paisibles finissent par ruer. Mais ces mouvements, quoique tendant évidemment à s’émuler et à se rejoindre, restent cependant nationaux dans les objectifs qu’ils peuvent viser – ne s’adressent-ils pas d’abord à leurs pouvoirs publics ? qui va manifester à Bruxelles ? Aussi faut-il se demander à quelles conditions ils pourraient se trouver un débouché politique proprement européen. Répondre à cette question suppose alors de naviguer entre les écueils symétriques de la position outre-nationale de principe qui a définitivement (et prématurément) prononcé la disqualification du national, et la position nationale souverainiste qui ne veut même pas penser la possibilité d’un redéploiement territorial du principe de souveraineté.

  • Quand Attac attaque la " démondialisation", Lordon dégaîne...

    et c'est tant mieux....

    Vous avez peut-être remarqué, mais il y a quelques jours, je suis sortie de mes gonds.... C'était à propos d'un article publié sur Mediapart par 9 membres du Conseil Scientifique d'Attac... Ce n'est pas que je sois fainéante, comme me l'a dit un jour un "camarade" de lutte, mais je n'avais pas le temps de faire une analyse fine des propos tenus dans ce texte : en somme, j'ai un métier - et ensuite pas de bonne à la maison...

    Mais heureusement, Lordon est là ... Lui, l'économie et la politique, c'est son domaine de compétence....En somme, il dit ce que j'avais senti intuitivement... et c'est sur son blog :http://blog.mondediplo.net/2011-06-13-Qui-a-peur-de-la-demondialisation.

    C'est du plus qu'intéressant ! Pour moi, de l'admirable, de ces textes qui brutalement vous font dire : "Mais oui, c'est ce que je pensais !". Je vous le fais "fille"??? Lordon, là, je lui sauterais au cou pour le remercier !!! (Je n'ai pas dit que je ferais la pom-pom-girl, faut pas exagérer !!)

    En-dessous, un "digest" comme dirait nos amis anglo-saxons....

    Lire la suite

  • Frédéric Lordon: y'a de la cata à l'horizon...

    Il fait froid, il neige... Bonne raison pour lire le dernier texte de Frédéric Lordon, un texte en date du 2 décembre, là sur son blog: http://blog.mondediplo.net/2010-12-02-Ne-pas-detruire-les-banques-les-saisir.

    Il y a toujours plusieurs façons de lire un texte, d'être attentif à tel ou tel passage, suivant ce que le lecteur a lu avant, ses interrogations, ce qu'il sait déjà de l'auteur...

    Moi, ce que j'ai toujours gardé dans l'esprit depuis Mars 2009, c'est un passage de l'interview qu'il m'avait accordée et qui disait en substance que, s'il y avait eu à l'automne 2008 krach bancaire généralisé, on aurait eu intérêt à avoir stocké les sacs de patates dans sa baignoire, parce que pour retirer ses sous à la banque, faudrait pas y compter...

    Lire la suite

  • Frédéric Lordon: Le point de fusion des retraites

    Pas eu le temps de le lire, mais il y a un papier de Lordon sur son blog depuis hier... Je ne doute pas que ce soit plus qu'intéressant ! C'est là : http://blog.mondediplo.net/2010-10-23-Le-point-de-fusion-des-retraites

    Information à faire tourner!

    Le texte en . doc là

     

  • "Problème" de la dette, ou le Lordon expliqué aux enfants !

    "Il y a un problème de dette, va fallloir se serrer la ceinture".

    Voilà ce qu'on me dit.... mais je ne sais pas pourquoi, quand certains me le disent, j'ai un gros doute, un affreux gros doute qui brusquement m'envahit  l'esprit... Je pense bien plein de trucs....mais je ne suis pas économiste, moi, alors..., et qui je suis pour, etc etc etc.... Mais heureusement, le Lordon nouveau est arrivé !!! Hier!! Et c'est là: http://blog.mondediplo.net/2010-05-26-La-dette-publique-ou-la-reconquista-des . Son titre? "La dette publique, ou la reconquista des possédants" !

    Je vous donne la phrase-clef, celle qu'il faut affichée au pied de son lit pour bien comprendre les enjeux?? "Le déficit ne sera réduit que par annulation des défiscalisations ou par une régression inouïe de l’État social – et voilà l’os de la « situation difficile » : les possédants (inclus le capital) vs. le reste du corps social".

     

    Et dans la foulée, je vous synthétise/ traduis le Lordon:

    La dette, c'est le cumul des déficits budgétaires( en gros, ça veut dire que, chaque année, il manque des sous pour boucler le budget, et que l'Etat est obligé de faire des emprunts, qui s'accumulent du coup).

    Avant la crise financière, en 2006, "il n’y a pas de problème de dettes publiques au sens d’une menace de perte de solvabilité par la divergence brutale des ratios Dette/PIB" ( traduction : la situation n'est pas terrible terrible, mais il n'y a pas le feu à la maison); "la crise de finance privée ouverte en 2007 porte l’entière responsabilité de tout ce qui s’est passé depuis ".

    Lire la suite

  • Frédéric Lordon : l'idée du Gros Bâton...

    Bon, c'est un long week-end .... il faut que vous lisiez ça : http://blog.mondediplo.net/2010-05-18-En-route-vers-la-Grande-Depression

    C'est du Lordon !! Et on voit que l'énervement gagne du terrain - et il y a de quoi !!! Moi, dans les grands jours, ce serait plutôt la référence aux piques et aux bonnets phrygiens, lui, c'est le "Gros Bâton"...mais en gros, on se rejoint... parce que ça commence à bien faire!

    Je vous laisse lire le texte en entier...mais moi j'ai bien aimé la toute fin: "Pourquoi s’embarrasser, le peuple, qui règle toutes les ardoises – comme chômeur (licencié par la crise), comme contribuable (les recettes à augmenter), comme usager (les dépenses à réduire), et bientôt comme salarié (« déflaté ») – n’a pas voix au chapitre. A moins que lui aussi ne finisse par avoir une idée. L’idée du Gros Bâton".

    Et puis il y a ce passage central dans le texte ! J'voudrais pas dire, mais dans la dernière interview que Frédéric Lordon m'avait accordée, il parlait de la crainte qu'il avait eue en 2008 de devoir remplir sa baignoire de patates au cas où... Je me demande s'il ne faut pas envisager sérieusement de faire quelques réserves, parce que c'est cohérent, ce qu'il dit... et c'est pas rigolo rigolo... Il ya 15 jours, j'ai déjà eu pour ma part quelques craintes sérieuses....

    "Ou alors attendons-le avec impatience – et les investisseurs au tournant. Car c’est en ce point précis que Dépression rime avec Gros bâton. S’il se produit, ce moment fera en tout cas événement. Car il faut se figurer ce qui suivrait d’un retournement unanime de la croyance financière prenant conscience que le plan, non plus à l’échelle d’un seul pays, mais de la zone tout entière, aboutit à l’exact contraire de qu’il vise et s’avère sans espoir. Le dessillement risque de faire mal, et une panique simultanée sur un grand nombre de dettes souveraines européennes ne sera pas belle à voir.

    Lire la suite